mercredi 19 avril 2017

Lorsque l'on réalise que l'on est qu'un objet.

Sentimentalement, ma vie a toujours été le bazar

Adolescente, une relation qui s'est mal terminée a été chez moi le déclencheur de mon "épisode dépressif majeur". Ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui mais je pense que l'on peut considérer que c'est le tout premier mot de cette histoire.
Cette rupture douloureuse - que je n'ai pas du tout su gérer - a créé en moi un sentiment d'échec et, surtout, un besoin d'être profondément malheureuse. J'ai alors enchaîné les histoires totalement bordéliques et tellement malsaines. Mais, après tout, c'était mon but inconscient : me faire du mal pour me prouver que je ne méritais pas ce rêve de bonheur que j'appelais "amour".
De toutes mes expériences, la pire a sans doute été celle du "pervers narcissique". Et oui : j'utilise ce terme à la mode depuis les années 90 pour parler d'un de mes ex.
Au départ, quand on m'en parlait, je n'y prêtais pas vraiment attention. Amoureuse transie, il était hors de question pour moi de reconnaître que mes choix amoureux étaient déviant. Amoureuse transie et atteinte d'une belle névrose, surtout.
Une fois que j'ai été capable de reconnaître que le problème venait bien de moi - mais n'était pas celui que je croyais - ma thérapeute m'a encouragée à analyser mes précédentes relations sous un œil plus critique. Le véritable objectif : apprendre à mieux me connaître et surtout briser ce cercle vicieux des relations vouées à échouer et me faire souffrir.

"Entre agonie psychique, déni psychotique et perversion narcissique"

Il m'a donc fallut mettre un mot sur ce qui n'allait pas chez l'autre pour alimenter mon besoin de justification de souffrance. Parmi les différentes pistes, une amie proche m'incita à me renseigner sur ce qu'est un pervers narcissique. Après quelques recherche, je suis tombée sur le texte de Paul-C. Racamier : Entre agonie psychique, déni psychotique et perversion narcissique. Disons-le franchement : je me suis pris une claque.

Dans cette publication, le psychiatre décrit les perversions narcissiques comme étant "une propension active du sujet à nourrir son propre narcissime au détriment de celui d'autrui". L'idée commençait déjà à faire un tour dans ma tête. Mais la vraie prise de conscience a été avec ce passage :
"Pourchassant le conflit interne, toujours agie et parfois avec habilité la perversité est tournée vers le social.[...] il s'agit pour le perversif d'assurer sa propre immunité par-devers le conflit et les douleurs du deuil, et de se valoriser narcissiquement [...] en attaquant le moi de l'autre et en jouissant de sa déroute ; cette déroute lui est ensuite imputée, ce qui fait que la jouissance perversive est toujours redoublée.Quant à l'object du perversif, ce n'est qu'un ustensile [...]."

"Tournée vers le social", "attaquant le moi de l'autre" "jouissant de sa déroute"... Ces notions ne font que me faire écho à ces longues discussion - et surtout ces longs messages par textos ou Messenger sur ma maladie - sur combien c'était moi la fautive.
Un autre trait des pervers narcissiques c'est "[qu'ils] ne doivent jamais rien à personne, cependant tout leur est dû". Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai pu comprendre ce sous-entendu en un an "je ne dois rien à personne", "la seule personne que je dois rendre heureux c'est moi, mais si tu ne fais pas tout pour me rendre heureux je partirais". Jamais de compromis, jamais d'échange. Un unique sens. J'ai été victime de ce besoin viscéral de prouver que si failles il y avait, elles venaient forcément de moi. Les pervers narcissiques ne supportent pas l'idée de ne pas incarner ce qu'ils considèrent comme leur réalité de la perfection. La faute viendra toujours de l'autre et ils garderont contact avec l'autre jusqu'à prouver qu'ils ont raison.
Jean-Charles Bouchoux, auteur du livre Pervers narcissiques, décrit très bien ce phénomène. En lisant ses mots, je me suis revue au tout début de notre relation, alors qu'il semblait aussi parfait que l'image qu'il se construisait.
"Tout commence toujours par de la séduction. C’est-à-dire qu’on va vous expliquer que vous êtes la bonne personne et qu’on a confiance en vous : on va vous dire ce que vous avez envie d’entendre. Parce que très souvent la personne qui deviendra victime est à ce moment-là habité par un doute. Si vous venez de rencontrer un nouveau compagnon, vous vous demandez : « Est-ce que je vais être à la hauteur ? », et c’est dans ce doute-là que le pervers va venir se nicher. D’abord, il vous rassure en disant « j’ai confiance en toi », et une fois que vous avez confiance en lui, c’est à ce moment-là que cela commence[...]. Et au lieu de partir, vous allez chercher à vous améliorer. Et, petit à petit, vous rentrez dans un système, c’est comme une araignée qui tisse une toile autour de vous."

Mais pourquoi ce besoin de rabaisser l'autre ? 

Ce n'est pas les livres qui m'ont appris cela mais mon propre bon sens. Au fur et à mesure de l'avancée de ma thérapie, et que je chassais mes propres démons, à chacune de ses remarques, je ne pouvais m'empêcher de me dire "c'est l’hôpital qui se fout de la charité".  Et quelques mois avant notre rupture, j'ai compris. Les remarques qu'il me faisait ne me concernaient pas vraiment. Il faisait une projection. Il me reprochait ce qu'il se reprochait inconsciemment. Parce que, comme tout trouble psychique, il n'est pas conscient : il est insidieux. Il prend possession de soi sans que l'on ne le sache vraiment.

Et la victime parfaite ? 

C'est (c'était ?) moi. C'est la personne qui n'a aucune confiance en elle. C'est celui ou celle qui cherche la reconnaissance et qui a peur de l'avoir. C'est ceux qui voient le verre à moitié vide. C'est ceux qui ont toujours su mieux prendre soin des autres que d'eux-mêmes.

Et pour s'en sortir ? 

Je vais réutiliser les mots de Jean-Charles Bouchoux qui sont aussi ceux de ma psychologue : "Il faut évacuer tout ce qui nous a pollué, en parler beaucoup, et ensuite se poser la question : « qu’est-ce qui fait que j’ai eu besoin de rencontrer quelqu’un comme ça ? », pour éviter de retomber sur une personne utilisant des mécanismes de défense pervers narcissiques, car il y a des personnes qui les collectionnent les uns après les autres." J'en ai fait la collection (le dernier étant le plus narcissique de tous). Je n'en veux plus.

J'espère que, d'une certaine manière, mes mots vous auront touchés et sensibilisés.



Sentimentalement, ma vie ne sera plus le bazar. Pour reprendre les mots de Sarah dans Labyrinth : "You have no power over me! ".
Kisses.

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